Avec la loi 4808/2021, plusieurs changements ont été apportés, affectant le droit de grève. Plus précisément, certaines obligations des organisations syndicales ont été prévues lorsqu’elles veulent déclarer une grève dans une entreprise ou à l’échelle nationale, et il est également défini jusqu’où peuvent aller les revendications de grève. Des changements similaires ont été introduits avec la loi 5053/2023, qui a criminalisé les dommages causés à l’entreprise pendant une grève. Dans le texte suivant, nous avons tenté de faire une présentation globale du droit de grève, tel qu’il est en vigueur aujourd’hui et de la manière dont il est appliqué dans la pratique pour résoudre les conflits entre employeurs et employés.
1.Quelles sont les formes de grève?
Le terme « grève » désigne d’abord le droit collectif exercé conjointement par les travailleurs, qui comprend l’abstention temporaire ou permanente du travail, dans le but immédiat de faire pression sur l’employeur pour satisfaire leurs revendications professionnelles. La grève, en tant que droit collectif constitutionnellement et européen reconnu, peut prendre différentes formes.
Un type de grève est la grève tournante, c’est-à-dire la grève par secteurs du personnel, de sorte que certains secteurs de l’entreprise fonctionnent en sous-effectif, réduisant ainsi inévitablement toute la productivité de l’entreprise. Cette forme de grève est plus courante à l’étranger et moins en Grèce. Cependant, sa durée n’est pas courte, étant donné qu’elle ne cause pas immédiatement de grands dommages économiques à l’employeur, et elle est donc considérée comme respectant la mesure nécessaire de la grève, dont nous parlerons plus loin.
Une autre forme de grève est la grève d’avertissement, qui a généralement une courte durée et se déroule principalement pendant les négociations entre les travailleurs, leurs organisations syndicales et les employeurs pour la signature d’une convention collective de travail. La courte durée de cette grève vise à montrer la pression que les travailleurs sont prêts à exercer sur l’employeur avec une grève possible dans un avenir proche, qui aurait toutefois une durée plus longue et, bien sûr, une plus grande intensité en termes de dommages économiques causés à l’employeur.
2.Quand une grève est-elle légalement déclarée?
Pour qu’une grève soit légalement déclarée, la loi exige que certaines conditions soient remplies afin de garantir certaines garanties de légalité, à savoir qu’elle ne soit pas déclarée par une minorité de travailleurs. Plus précisément, pour déclarer une grève légalement, il est nécessaire que :
- La grève soit déclarée par une organisation syndicale légalement constituée et compétente pour les questions professionnelles spécifiques. Une telle organisation est celle dont les membres sont des travailleurs employés dans une profession déterminée (par exemple, les employés d’hôtel, qui constituent une catégorie distincte de travailleurs).
- La décision ait été prise par l’organisation syndicale de manière légale, c’est-à-dire que l’assemblée générale ait été convoquée et que les membres de l’organisation syndicale aient voté à la majorité absolue en faveur de la déclaration de grève. Dans des organisations syndicales plus larges (par exemple, ADEDY), cette décision est prise par le conseil d’administration.
- Les conditions pour la prise valide de la décision aient été respectées, c’est-à-dire qu’une majorité relative des membres de l’organisation syndicale présents ait été atteinte, et que ces membres aient payé leurs cotisations à l’organisation, c’est-à-dire qu’ils soient en règle sur le plan financier.
- Les membres aient voté légalement, c’est-à-dire en personne ou à distance, comme le prévoit désormais la loi, et que le vote pour la décision de grève ait été secret, afin de protéger les intérêts de l’organisation syndicale.
3.Y a-t-il des conditions générales à respecter?
L’étape la plus importante avant de déclarer une grève est que les travailleurs doivent avertir l’employeur qu’ils vont procéder à une grève. Cet avertissement doit être donné au moins 24 heures avant le début de la grève et doit être envoyé par écrit via un huissier qui le remettra à l’employeur, afin de prouver la date à laquelle l’avis a été donné. Pour les entreprises du secteur public/utilités publiques, ce délai est d’au moins 4 jours avant le début de la grève.
De plus, les travailleurs qui entament une grève doivent avoir préalablement entamé des négociations avec l’employeur pour satisfaire leurs revendications de manière pacifique, par exemple par la conclusion d’une convention collective de travail. Cette obligation découle de l’esprit général de la loi, qui considère la grève comme le dernier recours des travailleurs pour satisfaire leurs revendications auprès de l’employeur.
En outre, l’organisation syndicale qui initie la grève doit fournir à l’employeur un « personnel de sécurité », c’est-à-dire un nombre de travailleurs qui resteront dans l’entreprise pendant la grève pour assurer le fonctionnement minimal des installations et éviter les accidents/dégâts. Pour les entreprises du secteur public, il est également prévu, en plus de ce personnel, un personnel de service, qui doit représenter numériquement 1/3 des travailleurs employés dans l’entreprise publique concernée.
Enfin, l’obligation principale de l’organisation syndicale pendant la grève est de permettre aux travailleurs qui ne participent pas à la grève d’entrer dans les installations de l’entreprise et d’exercer leur travail, sans que l’organisation syndicale n’exerce d’obstacle à ce droit des travailleurs. Le même droit s’applique bien entendu au personnel de sécurité/service mentionné ci-dessus.
4.Quelles revendications peut avoir une grève?
Pour qu’une grève ait un sens, elle doit présenter certaines revendications qu’elle cherche à défendre. En ce qui concerne ces revendications :
- Les revendications ne peuvent pas être contraires aux dispositions légales en vigueur en droit grec. Par exemple, une grève ne peut pas avoir pour revendication la réduction des cotisations de sécurité sociale, car cette question peut être réglée par les ministères compétents et non par l’employeur.
- Les revendications doivent concerner tous les travailleurs de l’entreprise ou au moins une partie substantielle d’entre eux. Ainsi, les revendications de la grève ne peuvent pas viser à satisfaire des intérêts individuels privés, et si des avantages sont accordés par l’employeur en raison de l’acceptation des revendications de la grève, ils doivent être accordés à tout le personnel et non seulement à ceux qui ont participé à la grève.
- Les revendications de la grève ne doivent pas concerner la politique commerciale de l’employeur et ses décisions. Les droits des travailleurs sont une chose, les décisions commerciales de l’employeur en sont une autre. Toutefois, lorsque ces dernières ont des répercussions sur les relations de travail (par exemple, sur le niveau des salaires), les revendications de la grève sont légitimes.
- Les revendications de la grève ne peuvent en aucun cas demander la modification de règles légales ou l’édiction de lois, car ces questions ne relèvent pas de la discrétion de l’employeur. Toutefois, une revendication de grève peut concerner l’interprétation de règles légales stipulées dans des conventions collectives de travail, qui peuvent prêter à confusion.
5.Quand une grève est-elle abusive?
Le caractère abusif ou non d’une grève doit être déterminé par plusieurs facteurs. Tout d’abord, il faut comparer les revendications des grévistes et le préjudice (économique) subi par l’employeur en raison de la grève. En effet, une grève prolongée qui dure des semaines, si les revendications des travailleurs auraient pu être satisfaites par des négociations, peut être jugée abusive car le principe de proportionnalité entre les intérêts des travailleurs et de l’employeur n’est pas respecté.
Un cas classique de grève abusive, et donc illégale, est lorsque des actes de violence/dégâts aux installations de l’entreprise se produisent pendant la grève ou lorsque les grévistes empêchent les travailleurs non grévistes d’entrer dans l’entreprise. De tels actes, en plus de conférer à la grève un caractère abusif, peuvent avoir des conséquences juridiques pour les grévistes, car ces actes constituent désormais des infractions pénales en vertu d’une loi adoptée en octobre dernier.
En ce qui concerne les revendications des travailleurs, elles ne peuvent pas être considérées a priori comme excessives et doivent être évaluées au cas par cas. Les travailleurs ne s’attendent généralement pas à la satisfaction complète de leurs revendications par la grève, mais ils placent la barre haut pour obtenir un compromis de la part de l’employeur. Cela vaut également pour les perturbations sociales causées par une grève, qui sont en partie inévitables et tolérables, en raison de la nature de la grève comme moyen de pression par la perturbation de la normalité dans la vie professionnelle et sociale. Par conséquent, ces critères ne doivent pas être évalués de manière superficielle lorsqu’on tente de qualifier une grève d’abusive ou non.
6.L’employeur peut-il réagir à une grève?
La réaction de l’employeur face à la mobilisation de grève des travailleurs est critique car elle doit respecter les limites légales. En premier lieu, il est interdit à l’employeur d’exercer ce qu’on appelle une « grève patronale », c’est-à-dire d’empêcher les employés d’entrer dans les lieux de travail. Avec cette interdiction, les employés ne pourraient pas effectuer leur travail et n’auraient pas droit à leur salaire. Il s’agit donc d’une pratique illégale, même si elle est exercée en réponse à une grève déjà illégale.
De plus, afin de ne pas annuler l’objectif de la grève, qui est de perturber le fonctionnement de l’entreprise, l’employeur est interdit d’embaucher des travailleurs pendant la durée de la grève afin qu’ils effectuent les tâches que les grévistes devraient normalement accomplir. Toutefois, si la grève est déclarée illégale par une décision judiciaire, cette interdiction ne s’applique pas et l’employeur peut légitimement embaucher d’autres travailleurs, à condition que la grève se poursuive. Il en va de même s’il réaffecte des travailleurs d’une autre entreprise vers l’entreprise où la grève a lieu.
Enfin, les accords entre l’employeur et les employés sont très importants pour que ces derniers ne participent pas à des grèves ou ne les organisent pas. Habituellement, de tels « accords » sont conclus moyennant une contrepartie sous forme de divers avantages ou allocations de la part de l’employeur aux employés. Cependant, le caractère illégal de ces accords est évident et ne peut être annulé en aucune circonstance, car il limite le droit constitutionnel des employés de participer à une grève.
7.La grève a-t-elle des conséquences sur le contrat de travail du travailleur?
Certainement, la grève à laquelle participe un travailleur aura des conséquences sur son contrat de travail individuel. Ces conséquences peuvent être positives = augmentation de salaire si les demandes de grève sont acceptées par l’employeur, ainsi que des conséquences négatives. Plus précisément, le travailleur :
- S’il participe à une grève légale, n’est pas obligé de se présenter sur son lieu de travail, mais n’a pas non plus le droit de recevoir son salaire de l’employeur.
- Pour cette raison, il ne peut pas être licencié avec un licenciement immédiat de son contrat de travail, car il ne s’éloigne pas injustement de son travail.
- Bien que le travailleur ne soit pas sur son lieu de travail, ce temps est considéré fictivement comme du temps de travail, ce qui est positif pour diverses allocations triennales, les congés de loisirs, etc.
- S’il participe à une grève illégale, le travailleur n’est alors pas dispensé de l’obligation de se présenter sur son lieu de travail et de fournir son travail.
- Par conséquent, puisqu’il n’est pas là, l’employeur peut résilier son contrat de travail avec un licenciement immédiat, car la participation à une grève illégale constitue un motif important de résiliation.
- L’employeur peut également avoir droit à une indemnité compensatoire contre le travailleur pour le dommage causé à ce dernier par la participation à une grève illégale et, de même, les conséquences économiques que cette grève a eues sur l’entreprise.
- Pour que l’employeur ait droit à une indemnité compensatoire, le travailleur doit savoir que la grève était illégale et, malgré cela, a continué à y participer= cette connaissance est généralement donnée après que la décision judiciaire ait été rendue selon laquelle la grève était illégale
8.Qu’arrive-t-il aux travailleurs qui ne peuvent pas travailler en raison de la grève?
C’est une question cruciale qui a souvent préoccupé les tribunaux grecs. D’un côté, il y a l’intérêt des travailleurs qui ne font pas grève et veulent travailler pour recevoir leur salaire sans conséquences négatives sur leur contrat de travail. De l’autre, il y a l’intérêt de l’employeur qui ne peut pas accepter leur travail en raison de la grève qui paralyse économiquement son entreprise.
Les décisions des tribunaux grecs varient ici. Certaines décisions soutiennent que l’employeur continue de devoir verser le salaire à ceux qui se présentent au travail, car ils sont prêts à travailler et la raison pour laquelle ils ne peuvent pas être employés relève de l’employeur lui-même, qui a le contrôle financier de son entreprise. Par conséquent, malgré la grève, l’employeur devrait être prêt à les employer dans son entreprise, et s’il n’est pas en mesure de le faire, il doit au moins verser le salaire convenu ainsi que les heures supplémentaires pour la durée de l’incapacité.
Cependant, il existe également des décisions soulignant que l’impact d’une grève sur l’entreprise de l’employeur est parfois si intense qu’il peut ne pas avoir (ou ne pas avoir uniquement) l’intérêt d’employer ceux qui se présentent au travail. Cela peut être dû à une pénurie de personnel adéquat en raison de la grève, paralysant ainsi des secteurs entiers de l’entreprise, ainsi qu’à la désorganisation économique générale de l’entreprise. En général, les raisons pour lesquelles l’employeur ne peut pas employer les travailleurs doivent être prises en compte, car selon le cas, la décision judiciaire peut changer assez facilement.
9.Existe-t-il une protection judiciaire pour l’arrêt d’une grève?
Face à une grève illégale des travailleurs et au risque de subir de lourdes pertes économiques, l’employeur n’est pas sans protection légale. Ainsi, l’employeur a le droit :
- D’intenter une action en justice contre l’organisation syndicale qui a déclaré la grève illégale. Cette action est déposée devant le tribunal de première instance et jugée dans le cadre d’une procédure très rapide, précisément pour anticiper le développement rapide des événements.
- Avec cette action, l’employeur peut demander la suspension/l’arrêt de la grève illégale ainsi que l’interdiction de participation des travailleurs à toute grève similaire à l’avenir. Cependant, il ne peut pas demander l’interdiction de participation des travailleurs à toute grève future.
- Il est également possible pour l’employeur de réclamer des dommages-intérêts aux travailleurs pour le préjudice subi en raison de la poursuite de la grève illégale.
- Cependant, pour qu’une telle demande de dommages-intérêts soit acceptée, les travailleurs doivent savoir qu’ils participent à une grève illégale, ce qui n’est pas très courant en pratique.
- La grève n’est déclarée illégale que par une décision judiciaire, c’est-à-dire après que le tribunal, évaluant toutes les preuves, a jugé que celle-ci ne répondait pas aux exigences de la loi.
- Bien sûr, l’employeur peut demander que la décision judiciaire soit exécutoire provisoirement afin d’éviter également des mesures conservatoires contre l’organisation syndicale. Si le tribunal déclare la décision exécutoire provisoirement, les mesures conservatoires n’auraient pas de sens ici.
10.Comment les tribunaux grecs jugent-ils les grèves de nos jours?
Nous avons déjà parlé ci-dessus du caractère abusif ou non d’une grève, qui doit être évalué en passant par plusieurs critères juridiques, comme si la grève était le moyen nécessaire des travailleurs dans ce cas particulier, etc. Les tribunaux grecs examinent cette question avec un regard plus limité.
Plus précisément, dans plusieurs grèves jugées illégales aujourd’hui, les tribunaux tendent à considérer que même la simple provocation de pertes économiques à l’entreprise en raison de la grève est suffisante pour qualifier la grève d’illégale. Ainsi, ils ne procèdent pas à un contrôle plus détaillé des demandes de grève, du déroulement de la grève jusqu’à l’escalade des actions, etc. Cela a pour conséquence que 9 fois sur 10, les grèves sont jugées abusives aujourd’hui malgré le fait qu’elles ne remplissent généralement pas les conditions légales pour être qualifiées de telles.
Cependant, il n’est pas exclu qu’il existe d’autres raisons pour lesquelles les grèves sont constamment qualifiées d’abusives, en particulier les pressions politiques exercées en raison de l’urgence créée par la grève, en particulier pour les grandes entreprises du secteur public qui servent quotidiennement des millions de citoyens, et donc la grève ne cause pas seulement un préjudice à l’employeur respectif mais aussi une détérioration du pouvoir politique. Ce qui est sûr, c’est que la question nécessite une exploration plus approfondie des critères qui déterminent qu’une grève est jugée abusive ainsi que la manière dont ils sont appliqués dans le cas spécifique.
À côté du client et de ses besoins.
Athéna Kontogiánni – Avocate
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