Il n’est pas rare, surtout dans les biens immobiliers ruraux, que leurs propriétaires concluent des accords entre eux : notamment pour faciliter chacun, ils peuvent accorder mutuellement des droits tels que le passage de l’un à travers la propriété de l’autre, ou puiser de l’eau, etc. Ce phénomène juridique est appelé « servitude » et est réglementé en tant que droit réel limité par la loi. Nous allons maintenant l’examiner en détail, en mettant l’accent sur les droits et obligations du titulaire de la servitude.
1. Que signifie le terme « servitude »?
Lorsque nous utilisons le terme « servitude » dans le droit immobilier, nous entendons le droit limité qui existe sur une propriété étrangère (=fonds servant) et qui procure un avantage à celui qui détient la servitude. Une caractéristique de la servitude est que, s’il s’étend à un bien immobilier, il couvre à la fois les composants et les accessoires de la propriété en cas de doute, sauf accord contraire.
Une règle fondamentale est également que la servitude ne peut pas permettre au propriétaire du fond servant de réaliser un acte:la seule possibilité est que le propriétaire du fond servant tolère un acte du titulaire de la servitude ou s’abstienne d’effectuer un acte qu’il aurait autrement le droit de faire.
En outre, la servitude ne peut être établi que sur une chose étrangère, c’est-à-dire que le titulaire de la servitude ne peut pas l’établir sur sa propre propriété, ce qui serait illogique. Comme mentionné précédemment, la servitude ne peut être établi que sur un bien immobilier (à quelques exceptions près), contrairement au gage qui n’existe que sur les biens meubles.
2. Dans quelles catégories se distinguent-elles?
En fonction de leur contenu et de la manière dont ils se manifestent, les servitudes se distinguent en :
- Servitudes positives, lorsque le titulaire de la servitude peut effectuer certaines actions sur la propriété où la servitude existe (par exemple, il peut traverser, transporter de l’eau à travers celui-ci, etc.).
- Servitudes négatives, lorsque le titulaire de la servitude peut interdire au propriétaire de la propriété grevée par la servitude de réaliser certaines actions qu’il aurait normalement le droit d’accomplir (par exemple, lui interdire de construire un étage supplémentaire pour ne pas obstruer la vue du titulaire du fond dominant, etc.).
- Servitudes réelles, qui sont si étroitement liés à la propriété qu’ils servent à tel point qu’ils suivent le sort de celle-ci, tandis que la personne du propriétaire/titulaire de la servitude est indifférente : si la propriété est transférée à un autre, la servitude est également transférée.
- Servitudes personnelles, qui, au contraire, sont étroitement liés à la personne de leur titulaire de sorte que s’il décède/transfère à un autre, elles disparaissent. Un exemple caractéristique d’une telle servitude est l’épierrage, sur lequel nous avons écrit dans un autre de nos textes.
3.Comment est créée une servitude?
Le moyen le plus connu de créer une servitude est par contrat entre celui qui accorde et celui qui devient porteur de la servitude. Comme les servitudes concernent les biens immobiliers, les dispositions légales relatives aux biens immobiliers doivent également être respectées. Autrement dit, celui qui accorde la servitude doit être le propriétaire du bien sur lequel (la servitude) sera établie, tandis que l’acte de création de la servitude doit être rédigé dans un document notarié et enregistré au registre foncier correspondant.
Une autre manière de créer une servitude est par succession légale à la suite d’un décès. Par exemple, si le disposant de son vivant était porteur d’une servitude sur un autre bien immobilier, il peut, par testament, stipuler que ses héritiers continueront à être porteurs de la servitude et à l’exercer, s’ils le souhaitent. De même, dans le cas inverse, où le fonds servant avait l’obligation de supporter une servitude, ses héritiers doivent également respecter le droit à la servitude du porteur respectif, dès lors qu’ils occupent la position légale que le défunt avait avant son décès.
Enfin, une autre méthode pratique pour créer un droit de servitude sur un bien immobilier est la prescription acquisitive. Comme nous l’avons mentionné dans un autre texte, la prescription acquisitive doit être possible sur le bien immobilier et le porteur du droit de servitude doit effectuer les actions correspondantes qui démontrent juridiquement qu’il agit comme s’il était le titulaire du droit de servitude (par exemple, nettoyer le sentier de la parcelle sur laquelle il souhaite obtenir un droit de passage, comme il le ferait s’il avait acquis la servitude dès le départ). Les délais sont les mêmes que pour la prescription acquisitivr en général, soit 10 ans pour l’usage régulier (s’il existe un titre légal ou supposé) et 20 ans respectivement pour l’usage extraordinaire.
4.Quels sont les droits du porteur de la servitude?
Le porteur de la servitude sur l’autre bien immobilier a certains pouvoirs en vertu de la loi, qu’il peut exercer s’il le souhaite. Ainsi :
- Tout d’abord, la loi n’inclut pas certaines des facultés du porteur de la servitude = celles-ci seront définies par le contrat conclu entre les parties ou par la nature spécifique de la servitude si elle est établie par la loi.
- Ainsi, par exemple, une servitude de puisage d’eau peut inclure plus d’actions et de constructions qu’une simple servitude de passage depuis la propriété voisine, qui peut être exercée sans entrave et sans aucune construction éventuellement.
- La règle est que le porteur de la servitude doit l’exercer avec discernement sur la propriété asservie = ne pas l’utiliser plus que nécessaire pour satisfaire ses besoins / ne pas empêcher les autres d’exercer leurs droits sur la propriété, etc.
- Comme nous le verrons plus loin, le porteur de la servitude a le droit de voir son droit respecté / que sa servitude soit protégée, et pour cette raison, il peut utiliser les actions appropriées que la loi lui offre.
5.Et ses obligations?
Les obligations du porteur de la servitude correspondent aux droits du propriétaire du bien servant, c’est-à-dire celui sur lequel la servitude est imposée. En ce qui le concerne, il a les droits suivants en vertu de la loi :
- Il peut également utiliser le bien sur lequel se trouve la servitude à moins que ce droit ne soit exclu par accord entre les parties, ou si la propriété n’est pas suffisante pour être utilisée à la fois par les deux parties = par le porteur de la servitude et par le propriétaire du bien.
- Il peut également imposer une autre servitude sur la propriété asservie, mais dans ce cas, il est crucial de savoir quelle servitude a été enregistrée en premier au registre foncier, afin de résoudre les conflits éventuels entre plusieurs porteurs de servitude.
- Le propriétaire du bien servant peut demander au porteur de la servitude, s’il a construit une structure pour les besoins de la servitude, de l’entretenir et de la maintenir en bon état à ses frais (ceux du porteur de la servitude). Cependant, cette disposition relève du droit interne et peut donc être convenu différemment.
- Le propriétaire du bien servant peut demander à ce que le mode d’exercice de la servitude sur le bien servant soit modifié s’il est particulièrement gênant pour lui.
- Cependant, pour demander ce qui précède, le but pour lequel la servitude a été établie doit être atteint avec le nouveau mode d’exercice, ainsi que les dépenses nécessaires pour modifier la servitude par le propriétaire du bien servant.
6.Qu’arrive-t-il en cas de violation du droit de servitude?
Il n’est pas rare en pratique que le propriétaire du fonds dominant à une servitude ou un tiers viole le droit de servitude qui existe sur celui-ci, soit en tentant d’entreprendre des actions qui empêchent l’exercice régulier de la servitude, soit en ne tolérant pas certaines actions auxquelles, en raison de la servitude, il est obligé de tolérer.
Par conséquent, le titulaire de la servitude peut intenter ce qu’on appelle une « action en reconnaissance de servitude », qui vise à faire reconnaître la servitude sur le bien-fonds, à faire cesser la violation de la servitude en cours et à empêcher toute violation similaire à l’avenir. Pour intenter cette action, le titulaire de la servitude n’est pas tenu de posséder le bien-fonds auquel la servitude est attachée – il suffit qu’il en soit le propriétaire. Il va de soi que si plusieurs personnes sont titulaires de la servitude, chacune d’entre elles a le droit d’intenter cette action individuellement si elle est victime d’une violation.
Une alternative à ce qui précède est ce qu’on appelle une « action publique en reconnaissance de servitude », qui peut être intentée par celui qui possède le bien-fonds en tant que servant afin d’acquérir à l’avenir un droit de servitude sur celui-ci. Il n’est pas encore le titulaire du droit de servitude et ne pourrait normalement pas intenter une action quelconque s’il n’y avait pas celle-ci. Une condition préalable essentielle pour cette action est que celui qui viole le droit de servitude sur le bien-fonds servant n’ait pas de titre légal/présumé sur celui-ci (par exemple, un contrat même nul ou une inscription au cadastre, etc.). Si le contrevenant possède un titre, cette action ne sera pas recevable.
7.Comment les servitudes sont-elles généralement éteintes?
Avec les biens immobiliers changeant constamment de mains et les besoins en transactions augmentant, il est évident que les servitudes ont une date d’expiration. À cette fin, la loi prévoit certains motifs (généraux) pour lesquels une servitude cesse d’exister sur un fonds servant, toujours pour l’avenir, c’est-à-dire sans effet rétroactif. Ainsi, les servitudes peuvent être éteintes :
- Si le fonds servant est aliéné de force, car dans ce cas, tous les droits réels attachés à celui-ci sont éteints, et le seul recours que peut avoir le titulaire de la servitude est une indemnisation de la part du nouveau propriétaire du bien-fonds (en général, ce sera l’État ici).
- Si le fonds servant est vendu aux enchères, une question que nous aborderons également ci-dessous, l’acheteur acquiert également le bien-fonds libre de charges et de servitudes.
- Si la servitude a été établie par renonciation/expiration conditionnelle, et que l’événement se produit ou, au contraire, ne se produit pas, la servitude est éteinte. Dans le cas de la renonciation conditionnelle, étant donné que l’établissement de la servitude dépend de la survenance d’un événement futur et incertain, si cet événement ne se produit jamais, la servitude n’a techniquement jamais existé et ne peut donc pas être éteinte.
- Si un tiers acquiert la propriété du fonds servant par prescription (régulière/extrarégulière), alors, lorsque les conditions de la prescription sont remplies, il acquiert le fonds servant libre de charges réelles, donc sans la servitude, à condition cependant qu’il n’ait pas connu/ignoré par négligence grave qu’il y avait une servitude sur le fonds servant.
8.Exist-t-il des raisons plus spécifiques que ceux mentionnées ci-dessus?
Comme les servitudes sont des droits qui impliquent la collaboration entre 2 ou plusieurs propriétaires et génèrent généralement des différends et des tensions entre eux, la loi prévoit également certains motifs supplémentaires pour lesquels une servitude établie sur un fonds servant peut être éteinte. Par conséquent, une servitude peut être éteinte plus spécifiquement dans les cas suivants :
- Si le titulaire de la servitude y renonce, soit par contrat devant être formalisé par un acte notarié, soit par testament, respectivement. Il est important que la renonciation soit valide, ce qui nécessite le respect des formes susmentionnées, et que l’acte de renonciation soit enregistré au registre foncier.
- Si le fonds servant sur lequel la servitude repose est détruit (par exemple, par un tremblement de terre, une inondation, etc.). En cas de destruction partielle du bien-fonds, la servitude n’est pas complètement éteinte mais reste en vigueur sur la partie du bien-fonds qui n’a pas été détruite, et donc elle reste fonctionnelle. La même chose s’applique si le bien-fonds pour lequel la servitude a été établie est détruit, car dans ce cas, la servitude perd sa raison d’être.
- Si le titulaire de la servitude acquiert la propriété du fonds servant sur lequel la servitude repose, les deux propriétés appartiendront désormais à la même personne, et la servitude n’aura plus de raison d’exister pour les deux biens-fonds. Si le titulaire de la servitude acquiert une partie du bien-fonds servant et non la totalité, la servitude reste en vigueur pour le reste du bien-fonds.
- Si le titulaire de la servitude n’exerce pas pendant 20 ans consécutifs les droits que lui confère la servitude. La raison pour laquelle la servitude n’est pas exercée n’a pas d’importance. Cependant, la servitude ne sera pas éteinte si elle est partiellement exercée – si certaines des prérogatives qu’elle offre sont exercées mais pas d’autres, la servitude continue d’exister et n’est pas éteinte.
- Si la servitude ne peut pas être exercée sur le fonds servant servant pour des raisons matérielles et/ou juridiques. La raison pour laquelle la servitude ne peut pas être exercée n’a pas d’importance. Une exception à ce qui précède est le cas où un tiers viole le droit de servitude, auquel cas l’impossibilité d’exercer ce dernier n’est pas considérée, car une action en justice correspondante peut être intentée contre lui.
9.Que devient la servitude si le fonds servant est vendu aux enchères?
Il n’est pas exclu qu’un fonds servant soit vendu aux enchères et que des tiers aient acquis des servitudes sur celui-ci. En ce qui concerne le sort juridique de ces servitudes, la loi prévoit plusieurs dispositions. Nous mentionnerons ici les plus importantes et celles qui sont les plus pertinentes dans la pratique. Ainsi :
- Tout d’abord, l’adjudicataire acquiert le fonds servant libre de charges réelles, donc sans les servitudes, comme le prévoit explicitement la loi.
- Les tiers titulaires des servitudes doivent être informés aussi rapidement que possible de la mise aux enchères du bien-fonds.
- Ils peuvent alors exercer le droit de préemption que leur accorde la loi afin de demander la reconnaissance de l’existence de la servitude sur le bien-fonds, et soit de payer un montant plus élevé pour l’acquisition du fonds servant, qui inclurait bien sûr la servitude qui y est attachée.
- Soit de trouver une autre solution pour la servitude, comme la création de celle-ci sur un fonds servant voisin, si possible, avec un contenu modifié en fonction des circonstances.
- Ainsi, le titulaire de la servitude pourra en principe participer à la distribution des enchères et être indemnisé pour le préjudice subi en raison de la suppression de la servitude qu’il possédait.
- Pour que tout cela se produise, il est nécessaire d’une part que la servitude ait été établie légalement et d’autre part que le titulaire de la servitude veille à exercer son droit de préemption et à être informé de l’évolution des enchères.
10.Avez-vous entendu parler de la ‘résidence’?
Bien que de nombreux gens n’aient pas entendu ce terme spécifique, il s’agit d’un droit limité bien connu qui concerne les biens immobiliers. Le concept est simple : le propriétaire du bien immobilier accorde une servitude à quelqu’un, lui permettant ainsi de résider dans le bien immobilier sur lequel la servitude a été accordée, qui peut être un appartement, un bâtiment, un duplex, etc.
Il est important de souligner que si le propriétaire du bien immobilier accorde une servitude de résidence à une autre personne, alors il ne pourra pas résider dans le bien immobilier grevé de cette servitude, sinon il s’agirait d’une servitude « classique » comme celles mentionnées précédemment. De plus, si une servitude de résidence est établie sur un bien immobilier, celui-ci ne peut être utilisé que pour la résidence civile et non pour une location commerciale, où des règles juridiques différentes s’appliquent et d’autres procédures sont nécessaires.
En ce qui concerne le droit du titulaire de la servitude de résidence sur le bien immobilier, celui-ci est intransmissible, insaisissable et non susceptible de saisie, comme le stipule explicitement la loi. Étant donné que la résidence en tant que droit ressemble beaucoup à la jouissance, les dispositions de ce dernier sont appliquées de manière analogique pour réglementer juridiquement la servitude de résidence et les différends qui peuvent survenir entre les parties.
Ainsi, la résidence ne peut être établie que par un acte notarié qui sera enregistré au bureau des hypothèques/cadastre, soit par testament, ainsi que par prescription (ordinaire ou extraordinaire). Enfin, il convient de souligner que seule une personne physique a le droit de résider dans le bien immobilier (et donc pas une société, une association, etc.) et peut être accompagnée par les membres de sa famille, s’il y en a.
À côté du client et de ses besoins.
Athéna Kontogiánni – Avocate
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